Un thon robot pour l’armée américaine

Par Jean-Luc Goudet, Futura-Sciences

Plutôt qu’une hélice, Robotuna II, directement inspiré du véritable thon, remue la queue pour progresser dans l’eau. Imaginé il y a plus de dix ans, ce robot est en voie d’être réalisé grâce à une innovation récente, les polymères électroactifs. L’US Navy est intéressée.

Au début des années 1990, David Barrett, futur ingénieur en mécanique, est fasciné par les thons. Ces grands poissons nagent à près de 80 kilomètres à l’heure si l’on en croit la littérature, une vitesse difficilement accessible pour un engin sous-marin fait de main d’homme. Pour sa thèse de doctorat, Barrett met au point un système de propulsion directement inspiré de l’anatomie de ce poisson. Baptisé Robotuna (qui, en français, donnerait robothon), il agite la queue grâce à un mécanisme compliqué fait de câbles et de poulies. L’énergie est fournie par des moteurs installés à l’extérieur du prototype, le banc de test se réduisant à un système propulsif fixé sous une quille plongée dans l’eau d’un bassin.


La première version de Robotuna, avec son armature métallique. © MIT

Devenu professeur d’ingénierie mécanique au Olin College, et vice-président de iRobot, David Barrett n’a pas abandonné l’idée de sa jeunesse et a su intéresser l’US Navy à son thonidé artificiel et même en obtenir une aide financière. Au sein du MIT (Massachusetts Institue of Technology) et avec une équipe de l’entreprise Boston Engineering, un robot, appelé Robotuna II, ou 2.0, pour rappeler la filiation directe avec le projet initial, est en cours de réalisation et sera prochainement livré à la marine américaine.

Sa structure est toujours proche de celle d’un poisson, avec une armature longiligne articulée en plusieurs parties, fonctionnant comme la colonne vertébrale. Mais la technologie a évolué depuis le premier prototype et la puissance mécanique est désormais intégrée à l’intérieur de l’engin. Les muscles sont bien là, réalisés en polymères électroactifs, ou EAP (electro-active polymers), fixés dans le sens de la longueur du robot. Ces matériaux ont la propriété de s’étendre ou se rétracter sous l’action d’une différence de potentiel électrique et sont souvent appelés muscles artificiels.


Robotuna II en cours de test, recouvert de sa peau de plastique. © MIT

Leur étude est récente et le JPL (Jet Propulsion Laboratory, émanation de la Nasa), s’y intéresse particulièrement. Depuis 2005, les progrès en la matière sont mesurés grâce à un original concours de bras de fer qui met en présence des humains et des systèmes articulés mis en mouvement par des EAP. En Suisse, l’Empa, un établissement public de recherche, qui envoie d’ailleurs ses réalisations au concours du JPL, travaille la question depuis plusieurs années et a testé un concept encore plus original : le dirigeable sans hélice qui, littéralement, nage dans l’air en se tortillant grâce à ses muscles en EAP. Cette fois, aucun exemple vivant n’existe, la vie terrestre n’ayant pas inventé le plus léger que l’air…


Panna Felsen, frêle étudiante de 17 ans, remporte, en 2005, le premier concours de bras de fer entre un être humain et un robot, organisé par le JPL à San Diego. En tant que muscles artificiels, les polymères électroactifs ont encore des progrès à faire… © JPL

Adaptés pour des missions longues

Nous n’en saurons pas beaucoup plus sur Robotuna. Pour ce projet financé par les militaires, les détails techniques sont donnés au compte-gouttes. On ne sait rien de la composition exacte des EAP utilisés ni sur la puissance consommée ou la vitesse obtenue.

Les performances des espèces du genre Thunnus seront toutefois difficiles à égaler. Ces poissons montrent aussi un hydrodynamisme remarquable. Leurs yeux dépassent à peine ; alignés sur le dos, des spicules (sortes d’épines) viennent réduire les turbulences générées par la nageoire dorsale ; les nageoires pelviennes et ventrales, inutilisées à grande vitesse, viennent se loger dans des anfractuosités, un peu comme rentre le train d’atterrissage d’un avion.

Mais, explique le communiqué de Boston Engineering, les militaires de la marine espèrent confier à un robot de ce genre des missions plus longues que celles des engins actuels. Ils pourraient par exemple porter des caméras ou des détecteurs de radioactivité. Ces thons mécaniques pourraient donc se multiplier (alors que leurs modèles vivants, eux, se portent nettement moins bien).

 

La queue du thon… © MIT

3 réponses sur “Un thon robot pour l’armée américaine”

  1. C’est impressionnant ce qu’on peux faire avec une queue …

    Par contre les polymères électroactifs … ça me botte à fond!
    Si on pouvait les tester, je suis sur qu’il y a plein de choses à faire comme bricoles ..;

  2. Moi je veux bien aider la demoiselle à s’entraîner pour le bras de fer !
    C’est loin d’être un thon (c’est un peu facile, mais bon fallait la faire)

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