La démocratie en copropriété

En cette période de révolutions inattendues où l’on voudrait voir la démocratie éclore partout, j’ai beaucoup apprécié cet éditorial d’ Alexandre Lacroix dans la revue Philosophie de ce mois ci.
Emmanuel Kant et Ségolène Royal ont nourri des idées fausses sur la démocratie.
Dans condition indispensable pour être citoyen, donc colégislateur: celle d’être son propre maître, de ne se trouver dans la dépendance de personne.
Aussi était-il indispensable,à ses yeux, d’être possédant – propriétaire de quelque bien – pour avoir le droit de voter. Une disposition excluant a priori les femmes et les domestiques. Lors de sa campagne pour la présidentielle de 2007, Ségolène Royal a plaidé pour la « projet était de mettre en place des jurys populaires pour régler les problèmes de politique locale.
Pour mesurer l’erreur de jugement commise par Kant, mais aussi par Royal, il suffit d’avoir assisté, au moins une fois dans sa vie, à une assemblée générale de copropriétaires.
Lhumanité y révèle son. pire visage. Lélectricien a facturé 3,30 euros l’ampoule qu’il a changée ?
Une voisine est allée vérifier au supermarché, le modèle vaut 2,90 euros. Un copropriétaire a acheté un studio attenant à son appartement pour s’agrandir ? Qu’à cela ne tienne, on lui refuse le percement d’une porte, pour le seul plaisir d’empêcher ses projets. Au début, on croit à une blague. Dans la guerre, des passions négatives se déchaînent – l’agressivité, la cruauté, la violence -, mais, aussi abjectes soient elles, elles sont prévisibles. Une assemblée de copropriétaires français – ah ! le grand pays de la révolution et des droits de l’homme – est au contraire une source d’émerveillement permanent: tout d’un coup, l’esprit de procédure, l’empoisonnement d’une vieille haine rassise, la jalousie la plus sournoise, l’avarice, la mesquinerie, et toutes les motivations médiocres se révèlent chez votre voisin. Nul n’est plus retors, plus irrationnel, plus âpre quand il s’agit de défendre son gain, que le propriétaire.

Le capitalisme est –il moral ?

Une intervention d’André Compte-Sponville sur le capitalisme qui devrait plaire à Job.

http://sites.radiofrance.fr/chaines/france-culture/emissions/grain/fiche.php?diffusion_id=74891

En gros ce que j’ai compris : le capitalisme n’est ni moral ni immoral mais ammoral, c’est à dire en dehors de la morale. C’est un système économique qui ne peut pas avoir de valeur morale. Par contre le capitalisme est générateur d’injustices et c’est là que la morale doit intervenir. Ce qui relève de la politique.

Un autre point important. Le capitalisme est le meilleur moyen pour produire de la richesse. Par contre il est foncièrement injuste et doit être controlé par la morale pour une redistribution de la richesse plus juste.

Compte-Sponville dit ça bien mieux que moi, je vous recommende donc fortement de l’écouter pour vous faire votre opinion là-dessus.

Le monde des systèmes et des supersystèmes cognitifs. Conflits et coopérations. Vers le post-humain.

Encore un super article passionnant avec pleins de concepts indispensables à une vision lucide du monde. La totalité en deuxième partie.

Le modèle de soi qui donne à un système cognitif toute sa puissance compétitive est différent. Il est doté d’une propriété qui lui ouvre au moins virtuellement des possibilités innombrables, celle de pouvoir contribuer à la formulation d’hypothèses s’affranchissant des expériences précédemment vécues par le système. C’est précisément en cela que réside la capacité du système cognitif, non pas de s’affranchir des déterminismes, mais de faire des hypothèses ne tenant pas compte des déterminismes déjà expérimentés et mémorisés.

Le fait que le modèle du soi propre au système cognitif échappe aux déterminismes linéaires et puisse formuler des hypothèses sur un mode presque aléatoire permet au cerveau d’abord, au corps tout entier du système cognitif ensuite, de se comporter dans le monde réel en machines à inventer. Le bénéfice en terme de compétitivité de l’émergence d’une telle propriété a été immédiat. Le cerveau du système cognitif, enrichi par le modèle (imaginaire ou halluciné) d’un soi pouvant librement imaginer de modifier le monde afin de le transformer a priori, est devenu un compétiteur redoutable à l‘égard des systèmes non cognitifs qui n’évoluent que beaucoup plus lentement et le plus souvent a posteriori seulement d’un évènement perturbateur.

Ces deux petits extraits m’ont poussés à la réflexion suivante : l’avantage de l’espèce humaine sur toutes les autres formes de vies connues est sa double capacité à transmettre un savoir sous forme de traditions et de remettre en question à chaque génération ces mêmes traditions. Ces deux facultés qui s’opposent et se complètent, la nouveauté devenant la tradition de la génération suivante, assurent une adaptation permanente des humains à leur milieu, même s’ils sont la cause des boulversements de leur environement.

Les systèmes cognitifs assemblés en SSC (super systèmes cognitifs) ont très vite, nous l’avons indiqué précédemment, exporté sur des réseaux de supports physiques externes à eux un certain nombre de représentations du monde, construites initialement dans les cerveaux des systèmes cognitifs individuels et s’étant révélées efficaces pour contribuer à la survie de ces systèmes. C’est ce mécanisme qui a donné naissance aux mémoires sociales les plus variées, depuis les mythes jusqu’aux programmes éducatifs enseignés dans les écoles. Si les contenus de ces mémoires ont été conservés et améliorés, ce n’était pas par ce qu’ils étaient vrais dans l’absolu (notion qui n’a pas de sens dans l’approche retenue ici) mais parce qu’ils étaient les plus propres à faciliter la survie des groupes et des individus qui s’y référaient. C’est ainsi que les mythes fondateurs, croyances religieuses et superstitions diverses sont apparus et ont continué à se développer du fait des références utiles à la survie qu’ils apportent aux systèmes cognitifs individuels et aux SSC. Ceci en dépit du fait que ces mythes, au regard des critères de la scientificité que nous allons présenter ci-dessous, ressemblent à des “mensonges ” ou tout au moins des illusions.

J’aime beaucoup cette explication de l’utilité des illusions! Cela parrait effectivement tellement logique!

Les contenus des mémoires scientifiques ne sont pas plus « vrais » au sens ontologique que ceux des mémoires mythologiques. Ils sont seulement plus efficaces puisqu’ils représentent la globalisation réutilisable par tous d’un nombre considérable d’expériences « réussies ». Autrement dit, ils contribuent à construire un monde que l’on pourrait dire scientifique ou rationnel qui se superpose au monde naturel et qui le modifie en permanence dans la mesure où la machine à inventer des SSC continue à fonctionner sur le mode de la production de contenus scientifiques.

J’ai envie de me revendiquer comme un représentationiste! Il n’existe pas de réel en soi. Seulement des représentations créées à partir de nos perceptions. On invente un modèle du monde qui nous sert d’environement d’interaction. Et l’on revoit ce modèle à chaque fois que nécessaire pour qu’il colle à à nos sensations. Ce processus nous permet de nous optimiser et améliorer nos chances de survie.

Les systèmes cognitifs sont en compétition les uns avec les autres. En simplifiant on dira qu’une première lutte pour la survie oppose les SSC scientifiques aux SSC privilégiant des représentations mythologiques. Vu l’efficacité des représentations scientifiques, on pourrait penser que les premiers l’emporteront inévitablement sur les seconds. Mais les connaissances scientifiques, bien qu’étendues, ne peuvent suffire à répondre à toutes les questions que les cerveaux des systèmes cognitifs se posent sur le monde. Donc, au sein même des SSC scientifiques persistent avec succès des représentations mythologiques dont s’inspirent beaucoup d’individus. Elles sont transmises tout naturellement par les langages, qui sont les vecteurs, non seulement des contenus de communication scientifique, mais de la prolifération d’entités informationnelles réplicantes n’ayant rien de particulièrement rationnel et que l’on désigne par le terme de mèmes.

Mais il y a un défaut à ce processus d’optimisation. Notre besoin d’avoir un modèle qui répond à toutes les questions nous pousse à croire à n’importe quoi plutot que d’admettre notre ignorance. C’est tellement simple et évident comme explication du fait religieux! Renforcé par notre mimétisme sociale, la modélisation a ses défauts qui vont à l’encontre de l’efficacité.

Par ailleurs et surtout, les corps et cerveaux des individus ou systèmes cognitifs individuels qui se regroupent au sein des SSC scientifiques ne sont pas entièrement dédiés à la construction de représentations scientifiques du monde. Quand il s’agit de corps biologiques (et non de corps artificiels), leurs héritages génétiques provenant de millions d’années d’évolution les laissent sensibles à des motivations qui peuvent venir en contradiction avec la rationalité scientifique (par exemple la défense exacerbée du territoire et la haine de l’autre considéré comme un rival). Au sein même de ceux des SSC que l’on pourrait globalement considérer comme des sociétés scientifiques ou technoscientifiques, les contenus de mémoire mythologiques réactivés en permanence par des héritages génétiques ou épigénétiques persistants depuis le fond des âges peuvent être bien plus nombreux que les contenus de mémoire provenant de la construction scientifiques. Les SSC à ciment principalement traditionaliste ou mythologique, dont certains sont aussi en partie des SSC scientifiques, sont finalement aussi puissants, en termes d’affrontement physique, que les SSC à ciment principalement scientifique. L’issue des conflits darwiniens pour la survie qui les oppose n’est donc pas prévisible.

C’est tellement vrai! Quand on voit de grands scientifiques de renom qui font appel au spiritualisme, à dieu ou même l’âme pour expliquer ce qu’ils échouent à comprendre, on voit bien à l’oeuvre ce mécanisme de modélisation.

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Le capitalisme hors la loi …

Auteur d’un livre très remarqué sur l’empire Goldman Sachs (La Banque), Marc Roche, correspondant du Monde à Londres, nous révèle avec effarement les dérives d’un système qui a échappé à tout contrôle.


Marc Roche déploie tout son talent de journaliste pour croquer des personnages et nous faire comprendre, un peu, à travers eux, le rôle des îles Caïmans, des agences de notation, des spéculateurs, des relations incestueuses entre finance et politique, des avocats, des fonds souverains, etc.

Bref, tout ce que vous avez toujours cru savoir sans que personne ne vous le confirme ‘lol’


Marc Roche présente son livre “Le Capitalisme… par jackyshow38

La meilleure des polices…

Petit morceau entendu aujourd’hui sur France-inter dans l’émission “là bas si j’y suis”.

J’ai trouvé ça très fort et très intelligent. Le groupe s’appelle “la rumeur” je ne le connaissais pas.

Je ne résiste pas à l’envie de citer les paroles :

La meilleure des polices
ne porte pas l’uniforme
Double ,triple, trouble,
incolore, informe.
Elle s’imisce en tout.
Se mêle de tout.
Se ressent partout.
Central, sans bruit.
Sans rien d’écrit,
sans aucun parfum de la moindre gachette.
Parfois même avec des talents de poète.

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A quelles conditions la critique de la démocratie est-elle légitime?

Allez-vous choisir l’empire efficace ou bien la démocratie inefficace?

http://www.franceculture.com/emission-du-grain-a-moudre-a-quelles-conditions-la-critique-de-la-democratie-est-elle-legitime-2010-

Emission en partenariat avec la revue Books
La démocratie renvoie à deux réalités distinctes. Et peut-être même à trois. Etymologiquement, la démocratie c’est d’abord un mode d’organisation des pouvoirs (un peuple qui se gouverne lui-même selon des procédures à préciser : la souveraineté populaire). Ensuite, c’est un mode d’exercice du pouvoir qui, par des techniques diverses, garantit les droits subjectifs des individus ; en particulier, il protège les citoyens contre l’arbitraire et les abus auxquels tend spontanément tout pouvoir (la liberté). Enfin, la démocratie est aussi un régime social dont l’idéal régulateur est l’égalité – ce à quoi renvoie l’expression « démocratiser ».
La démocratie – quelle que soit la définition que l’on retienne et il en est d’autres – a toujours fait l’objet de critiques. On lui reproche, comme Platon dans La République, de flatter la plèbe au détriment des hommes sages et raisonnables. On lui impute la médiocratie des goûts et des mœurs, l’égoïsme et l’absence de sens civique, comme Tocqueville. On l’accuse de diviser la société et ainsi d’affaiblir l’Etat. On la soupçonne d’être incapable d’effort prolongé, notamment dans le domaine diplomatique et guerrier. On veut y voir un simple théâtre d’ombres, derrière lequel, quelques individus appartenant aux élites sociale miment l’affrontement, comme Vilfredo Pareto. On la soupçonne d’être corrompue et de protéger les intérêts des riches.
Voilà pour les critiques classiques. Mais il en vient toujours de nouvelles. Et voici quelques unes des plus récentes : la démocratie nourrit les haines ethniques et expose les minorités à la revanche des peuples majoritaires, lorsqu’elle est instaurée de manière trop brutale et précoce, avertit Amy Chua, dans « Un monde en feu ». La démocratie représentative est enfermée dans le cadre des Etats-nations, alors que les défis – climat, épuisement des ressources, finance, terrorisme, etc. – sont planétaires ; puisqu’elle elle n’est plus adaptée, il faut la remplacer par des gouvernances régionales, comme l’Union européenne, voire mondiale. Ou encore, pour citer John Gray, dans Books du mois dernier : « La majorité des gens veulent avant tout des gouvernements qui assurent une protection efficace de leurs intérêts, la démocratie n’est que l’un d’eux. Ils lui accordent une valeur instrumentale, plutôt qu’une valeur en soi. »
Invité(s) :
Chantal Delsol, professeur de philosophie à l’université de Marne-la-Vallée Directrice du Centre d’études européennes
Jean-Marie Donegani, professeur à Sciences po et Directeur de la revue Raisons politiques
Blandine Kriegel, philosophe Professeur émérite des universités Ancienne présidente du Haut Conseil à l’Intégration
Olivier Postel Vinay, directeur de la rédaction et de la publication du magazine Books

L’architecte et le maire…

Il était une fois un maire, André Aschieri, et un architecte, Pierre Fauroux, qui avaient fait un rêve …

Entre l’article signé par Jean-Pierre Largillet dans Nice-Matin le 14 juillet 1994 et l’article de Christophe Belleuvre, dans ce même quotidien le 21 février dernier, 14 ans ont passé et rien, pas un mot, pas une ligne, un silence étourdissant

Comme quoi, la politique permet de tout faire sans conséquences immédiates …

L’architecte et le maire