Darwin vs Dieu V2.0

Salut à tous !

Je ne voudrais pas relancer la “guerre” (tout juste une bataille…) des darwiniens contre les tenants d’une “intelligence supérieure” (surtout maintenant que je sais que nous sommes collègues Cento ;-)), mais j’ai trouvé un article sympa sur le sujet, écrit par Philippe Lheureux, je ne résiste pas à l’envie de vous le faire partager.

J’ai bien aimé les exemples de l’apparition de l’aile, ainsi que celui de ce parasite du mouton.

L’article amène juste à des interrogations, je ne désire pas partir en “croisade” ! 😉 Comme je dis toujours, je préfère un athée sympa (et donc qui fait du christianisme comme Monsieur Jourdain faisait de la prose) à un croyant sec et intolérant comme les bigotes de Brel.

A bientôt pour une prochaine bouffe sur le fumier !

L’article Darwin vs Dieu 1 partout balle au centre

Darwin: Tout savoir en un peu plus d’une heure

Nous fêtons cette année les 150 ans de la naissance de Darwin.
Beaucoup de revues, d’émissions de radio ou de télé, de livres sont sortis pour l’occasion.
Parmi cet ensemble je vous signale un reportage génial de la BBC, disponible sur Internet (!!!) qui explique la théorie de l’évolution et surtout qui continue cette explication avec toutes les découvertes qui ont suivies et qui nous amènent à notre connaissance d’aujourd’hui.

darwin

C’est dans un anglais très compréhensible. J’ai malheureusement pas trouver les sous titres français

Le titre : BBC.What.Darwin.Didnt.Know.2009.
le descriptif de l’emission est disponible là: http://www.bbc.co.uk/programmes/b00h6sbt

The God Delusion

Le livre est déjà un best-seller, tant en Grande Bretagne qu’aux Etats-Unis. Ce succès tient, selon nous, à deux principales raisons :
– D’une part il constitue une réplique sans concessions aux efforts que manifestent de plus en plus les religions pour conquérir ou reconquérir les sociétés occidentales.
– D’autre part, parce qu’il est écrit par un véritable scientifique, on y trouve présentés de façon synthétique les arguments les plus récents permettant au matérialisme scientifique de démontrer de façon solide l’inanité des arguments utilisés par les religions pour tenter d’expliquer le monde d’une façon conforme à ce qu’affirment leurs écritures et leurs traditions.Le livre constitue de ce fait une véritable apologie de l’athéisme. Dawkins y explique que les athées peuvent être heureux, équilibrés, moraux et intellectuellement comblés. Ils doivent donc se montrer fiers d’eux-mêmes au lieu de chercher à taire leurs convictions. Celles-ci sont en effet la preuve d’un esprit indépendant et sain. Sur le plan scientifique, les théories reposant sur la sélection naturelle dite aussi darwinienne sont seules capables d’expliquer la diversité et la richesse du monde vivant et du cosmos, contrairement à ce que prétend la doctrine du Dessein Intelligent, de plus en plus répandue, tout au moins dans le monde anglo-saxon.

http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2007/mai/goddelusion.html

De l’évolution et de l’émergence

Je vous propose ici un très long article qui devrait passioner les esprits scientifiques curieux. En voici quelques extraits:

Il faut se représenter le sujet comme un organisme vivant (on ne définira pas la vie à ce stade) doté d’une membrane ou frontière le séparant du monde extérieur et communiquant avec ce dernier par des périphériques : organes sensoriels et organes effecteurs. Ces organes sont reliés par un système nerveux lui-même doté, dans les organismes évolués, d’une centrale d’interconnexion, de mémorisation et de traitement des données provenant des périphériques. Nous l’appellerons le cerveau.

Et un peu plus loin :

Dans le langage courant, un concept est défini comme «une idée ou représentation de l’esprit qui abrège et résume une multiplicité d’objets empiriques ou mentaux par abstraction et généralisation de traits communs identifiables par les sens» (Wikipedia). Nous ajouterions à cette définition une précision importante. Un concept ne se crée pas dans l’esprit (plus exactement dans le cerveau) sans que ceci réponde à une utilité. Le concept se crée dans le cerveau parce que celui-ci est capable d’abstraire à partir de perceptions différentes les traits communs qui peuvent faire soupçonner une permanence intéressante pour la survie. Le concept permet donc de réagir rapidement à une perception nouvelle. Ou bien celle-ci signale un élément du monde extérieur déjà connu et ne nécessitant pas un effort d’adaptation, ou bien elle signale un élément nouveau, avantageux ou dangereux, non prévu par le concept et auquel il faudra s’adapter. Dans ce cadre, en cas de succès des conduites d’adaptation, après un temps de latence suffisant pour éliminer les perceptions parasites, le concept sera enrichi ou modifié en profondeur.

Continuer la lecture de « De l’évolution et de l’émergence »

Toutes les œuvres originales de Darwin sur le Web !

Toutes les œuvres originales de Darwin sur le Web !
Par Jean-Luc Goudet, Futura-Sciences

Un colossal travail de numérisation, entamé en 2002, vient de porter ses fruits : 43.000 pages et 150.000 dessins, y compris des documents manuscrits, sont désormais accessibles à tous, sous forme d’images ou de textes retranscrits. Un régal pour les amoureux des sciences et une mine pour les biologistes.

Quelle bonne idée et quel travail ! Derrière un site à l’allure sobre et au nom austère – The Complete Work of Charles Darwin Online –, se cachent des dizaines de milliers de documents d’une valeur inestimable : les œuvres complètes de Charles Robert Darwin, le père de la théorie de l’évolution, du Voyage du Beagle (la navigation qui a donné tant d’idées au grand homme) à l’Origine des espèces (son œuvre maîtresse). Depuis 2002, époque à laquelle a été déjà lancé un site pilote (The writings of Charles Darwin on the web), des centaines de personnes ont travaillé à ce projet. Car il fallait bien plus de cinq ans pour rassembler et numériser la production de ce scientifique prolifique.

Il s’agit bien des œuvres complètes puisque l’on trouve rassemblés à la fois les publications (« Le site contient au moins un exemplaire de toutes les publications connues de Darwin » promet l’introduction) et les documents manuscrits non publiés. Pour l’essentiel, les originaux proviennent de la bibliothèque de l’université de Cambridge, à l’origine du projet. D’autres ont été confiés momentanément par des institutions ou des particuliers, le temps d’un passage au scanner.


« Je pense », écrit Darwin au-dessus de ce dessin, qui montre une ramification d’espèces évoluant au cours du temps… © The Complete Work of Charles Darwin Online

Le plaisir de fouiller dans un trésor

Le travail a été plus loin que le scan puisque les textes ont été retranscrits. L’ensemble représente finalement 43.000 pages de textes dans lesquels on peut effectuer des recherches sur mots-clés. En tapant man ape (homme singe), on récolte 116 documents…

Fouiller dans cet immense trésor est d’ailleurs plutôt simple, surtout pour les publications. Il suffit de choisir un livre (on peut aussi passer par l’introduction où, tout en bas, sont proposées les images des livres rangés comme dans une bibliothèque, n’attendant qu’un clic). La fenêtre affiche l’image du document à droite (en commençant par la couverture) et sa retranscription à gauche. On peut même réaliser des copier-coller… Un curseur fait défiler les pages. La recherche dans les manuscrits est un peu plus fastidieuse mais c’est aussi un plaisir de compulser ces écrits. Il ne manque que l’odeur du papier…

A la seule condition de ne pas être arrêté par la langue de Shakespeare, biologistes, historiens des sciences et simples curieux apprécieront sans doute de pouvoir ainsi retourner aux sources du darwinisme, parfois mal assimilé. On peut aussi s’offrir une balade parmi ces milliers de pages, à la recherche de citations exactes ou de documents iconographiques. En cherchant bien, on peut même trouver la route du Beagle qui a conduit Darwin autour du monde entre 1831 et 1836.

Le monde des systèmes et des supersystèmes cognitifs. Conflits et coopérations. Vers le post-humain.

Encore un super article passionnant avec pleins de concepts indispensables à une vision lucide du monde. La totalité en deuxième partie.

Le modèle de soi qui donne à un système cognitif toute sa puissance compétitive est différent. Il est doté d’une propriété qui lui ouvre au moins virtuellement des possibilités innombrables, celle de pouvoir contribuer à la formulation d’hypothèses s’affranchissant des expériences précédemment vécues par le système. C’est précisément en cela que réside la capacité du système cognitif, non pas de s’affranchir des déterminismes, mais de faire des hypothèses ne tenant pas compte des déterminismes déjà expérimentés et mémorisés.

Le fait que le modèle du soi propre au système cognitif échappe aux déterminismes linéaires et puisse formuler des hypothèses sur un mode presque aléatoire permet au cerveau d’abord, au corps tout entier du système cognitif ensuite, de se comporter dans le monde réel en machines à inventer. Le bénéfice en terme de compétitivité de l’émergence d’une telle propriété a été immédiat. Le cerveau du système cognitif, enrichi par le modèle (imaginaire ou halluciné) d’un soi pouvant librement imaginer de modifier le monde afin de le transformer a priori, est devenu un compétiteur redoutable à l‘égard des systèmes non cognitifs qui n’évoluent que beaucoup plus lentement et le plus souvent a posteriori seulement d’un évènement perturbateur.

Ces deux petits extraits m’ont poussés à la réflexion suivante : l’avantage de l’espèce humaine sur toutes les autres formes de vies connues est sa double capacité à transmettre un savoir sous forme de traditions et de remettre en question à chaque génération ces mêmes traditions. Ces deux facultés qui s’opposent et se complètent, la nouveauté devenant la tradition de la génération suivante, assurent une adaptation permanente des humains à leur milieu, même s’ils sont la cause des boulversements de leur environement.

Les systèmes cognitifs assemblés en SSC (super systèmes cognitifs) ont très vite, nous l’avons indiqué précédemment, exporté sur des réseaux de supports physiques externes à eux un certain nombre de représentations du monde, construites initialement dans les cerveaux des systèmes cognitifs individuels et s’étant révélées efficaces pour contribuer à la survie de ces systèmes. C’est ce mécanisme qui a donné naissance aux mémoires sociales les plus variées, depuis les mythes jusqu’aux programmes éducatifs enseignés dans les écoles. Si les contenus de ces mémoires ont été conservés et améliorés, ce n’était pas par ce qu’ils étaient vrais dans l’absolu (notion qui n’a pas de sens dans l’approche retenue ici) mais parce qu’ils étaient les plus propres à faciliter la survie des groupes et des individus qui s’y référaient. C’est ainsi que les mythes fondateurs, croyances religieuses et superstitions diverses sont apparus et ont continué à se développer du fait des références utiles à la survie qu’ils apportent aux systèmes cognitifs individuels et aux SSC. Ceci en dépit du fait que ces mythes, au regard des critères de la scientificité que nous allons présenter ci-dessous, ressemblent à des “mensonges ” ou tout au moins des illusions.

J’aime beaucoup cette explication de l’utilité des illusions! Cela parrait effectivement tellement logique!

Les contenus des mémoires scientifiques ne sont pas plus « vrais » au sens ontologique que ceux des mémoires mythologiques. Ils sont seulement plus efficaces puisqu’ils représentent la globalisation réutilisable par tous d’un nombre considérable d’expériences « réussies ». Autrement dit, ils contribuent à construire un monde que l’on pourrait dire scientifique ou rationnel qui se superpose au monde naturel et qui le modifie en permanence dans la mesure où la machine à inventer des SSC continue à fonctionner sur le mode de la production de contenus scientifiques.

J’ai envie de me revendiquer comme un représentationiste! Il n’existe pas de réel en soi. Seulement des représentations créées à partir de nos perceptions. On invente un modèle du monde qui nous sert d’environement d’interaction. Et l’on revoit ce modèle à chaque fois que nécessaire pour qu’il colle à à nos sensations. Ce processus nous permet de nous optimiser et améliorer nos chances de survie.

Les systèmes cognitifs sont en compétition les uns avec les autres. En simplifiant on dira qu’une première lutte pour la survie oppose les SSC scientifiques aux SSC privilégiant des représentations mythologiques. Vu l’efficacité des représentations scientifiques, on pourrait penser que les premiers l’emporteront inévitablement sur les seconds. Mais les connaissances scientifiques, bien qu’étendues, ne peuvent suffire à répondre à toutes les questions que les cerveaux des systèmes cognitifs se posent sur le monde. Donc, au sein même des SSC scientifiques persistent avec succès des représentations mythologiques dont s’inspirent beaucoup d’individus. Elles sont transmises tout naturellement par les langages, qui sont les vecteurs, non seulement des contenus de communication scientifique, mais de la prolifération d’entités informationnelles réplicantes n’ayant rien de particulièrement rationnel et que l’on désigne par le terme de mèmes.

Mais il y a un défaut à ce processus d’optimisation. Notre besoin d’avoir un modèle qui répond à toutes les questions nous pousse à croire à n’importe quoi plutot que d’admettre notre ignorance. C’est tellement simple et évident comme explication du fait religieux! Renforcé par notre mimétisme sociale, la modélisation a ses défauts qui vont à l’encontre de l’efficacité.

Par ailleurs et surtout, les corps et cerveaux des individus ou systèmes cognitifs individuels qui se regroupent au sein des SSC scientifiques ne sont pas entièrement dédiés à la construction de représentations scientifiques du monde. Quand il s’agit de corps biologiques (et non de corps artificiels), leurs héritages génétiques provenant de millions d’années d’évolution les laissent sensibles à des motivations qui peuvent venir en contradiction avec la rationalité scientifique (par exemple la défense exacerbée du territoire et la haine de l’autre considéré comme un rival). Au sein même de ceux des SSC que l’on pourrait globalement considérer comme des sociétés scientifiques ou technoscientifiques, les contenus de mémoire mythologiques réactivés en permanence par des héritages génétiques ou épigénétiques persistants depuis le fond des âges peuvent être bien plus nombreux que les contenus de mémoire provenant de la construction scientifiques. Les SSC à ciment principalement traditionaliste ou mythologique, dont certains sont aussi en partie des SSC scientifiques, sont finalement aussi puissants, en termes d’affrontement physique, que les SSC à ciment principalement scientifique. L’issue des conflits darwiniens pour la survie qui les oppose n’est donc pas prévisible.

C’est tellement vrai! Quand on voit de grands scientifiques de renom qui font appel au spiritualisme, à dieu ou même l’âme pour expliquer ce qu’ils échouent à comprendre, on voit bien à l’oeuvre ce mécanisme de modélisation.

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La science américaine va-t-elle sombrer dans le mysticisme ?

Le NewScientist du 11 novembre 2006, p. 20, a présenté un dossier sur le thème du Home-Schooling qui mérite d’être pris au sérieux. On appelle Home Schooling un mouvement politique et social qui prend une grande ampleur aux Etats-Unis. Il s’agit de soustraire les enfants des familles chrétiennes évangélistes à l’influence des écoles publiques. Le mouvement reproche à celles-ci d’enseigner des sciences contraires aux écritures de la Bible, au lieu des « vraies sciences » qui justifient la doctrine créationniste, l’Intelligent Design et la mobilisation anti-darwinienne. Les enfants ainsi retirés du circuit scolaire sont éduqués chez leurs parents ou dans des cercles d’amis, avant d’être intégrés dans des collèges privés dont l’enseignement est axé autour du créationnisme, mais aussi autour des valeurs les plus conservatrices des milieux patriciens de l’Amérique Wasp (blanche, anglo-saxonne et protestante).L’objectif n’est pas de former des scientifiques – on verrait mal comment cela pourrait se faire – mais des juristes et des hommes politiques dont la mission sera de pénétrer les cercles du pouvoir et des administrations pour faire triompher leurs idées en utilisant les voies juridictionnelles et politiques. Les classes dirigeantes et les milieux favorisés ainsi ciblés semblent réagir très favorablement, puisque le succès du mouvement est grand. Les étudiants recevant cette formation semblent n’avoir aucun problème de recrutement. Les collectivités locales, administrations et entreprises se les arracheraient.

Le mouvement est coordonné par la Home School Legal Defense Association http://www.hslda.org/Default.asp?bhcp=1 basée à Purceville, Washington DC. Le collège le plus emblématique patronné par cette association est le Patrick Henry College, http://www.phc.edu/, également à Purceville. En 2006, 2,5 millions d’enfants seraient ainsi éduqués à la maison. Les parents justifient leur démarche en disant qu’ils veulent procurer à leurs enfants une instruction morale et religieuse qui n’est pas donnée dans les écoles publiques La HSLDA a réussi à faire reconnaître la légalité de ce type de formation dans 50 Etats. Les parents n’ont pas besoin de diplômes pour former leurs enfants. L’objectif est d’étendre le réseau à tout le territoire. Les catholiques “latinos” sont également visés. Un nombre impressionnant de manuels et supports de cours est produit pour diffuser les nouveaux enseignements, notamment par la maison d’édition A Beka Book http://www.abeka.com/ de Pensacola, Floride, qui se vante de ne produire que des manuels « honorant Dieu » et rejetant le matérialisme. Continuer la lecture de « La science américaine va-t-elle sombrer dans le mysticisme ? »

Dawkins, les gènes et les memes

Dans un ouvrage ultérieur, The Extended Phenotype 1982 (Le phénotype étendu), Dawkins étend son approche de l’organisme ou phénotype à de nombreuses autres structures qui résultent de l’action des gènes et contribuent à leur reproduction. Il évoque la famille (couple et descendants), le groupe social plus large, et toutes les superstructures créées par les sociétés, sociétés animales et surtout sociétés humaines.

C’est là qu’il introduit un concept qu’il a voulu nommer d’après un terme français, mais qui sonne très mal chez nous, le meme (en anglais, meme se prononce mime, comme dans dream. En français, on peut le prononcer maime, et l’écrire sans accent circonflexe. C’est ce que nous ferons ici, mais dans ce grave débat, d’autres autorités auront peut-être des vues différentes).

Pourquoi inventer le terme de meme, qui correspond en gros à ce que l’on pourrait appeler une unité élémentaire de culture ou de signification, par exemple un concept ou une idée? Parce que Dawkins a voulu montrer que nos sociétés évoluent sous la pression de la sélection darwinienne de ces memes, lesquels utilisent nos corps et nos esprits comme biotopes au sein desquels se reproduire et se diversifier. Quand nous pensons, quand nous parlons, nous ne le faisons pas du fait d’un improbable libre-arbitre, mais parce que certains memes nous ont envahis, ont pris le dessus sur ceux qui existaient dans notre tête auparavant, et se répandent par notre intermédiaire pour contaminer d’autres personnes ou d’autres groupes. Les memes sont au niveau sociétal des homologues – d’ailleurs lointains parce que très différents – des gènes au niveau biologique. La sélection darwinienne s’exerce à plein sur eux.

Les esprits forts diront en effet qu’ils ont depuis longtemps constaté que les hommes (eux-mêmes exceptés en général) et les groupes sociaux sont les propagateurs aveugles d’idées ou d’idéologies auxquelles ils ne comprennent rien, et qui les conditionnent de bout en bout. Le paradigme du meme présente l’avantage de donner quelques outils scientifiques à cette observation de bon sens, outils inspirés de la génétique.

On dira par exemple que le succès ou l’insuccès de la diffusion d’une idée ne tiennent pas à ce que celle-ci est une “bonne” ou une “mauvaise” idée, mais au fait qu’elle contient des composants, c’est-à-dire des memes, qui ont un non un pouvoir compétitif-attractif : faire peur, donner envie de quelque chose, éveiller l’instinct sexuel, etc. Les publicitaires et les politiques savent cela depuis longtemps d’ailleurs.

Comme les gênes, les memes proviennent d’un très lointain passé. Si beaucoup de gènes se révèlent aujourd’hui inadaptés ou inutiles à la survie des organismes dans le monde moderne, la plupart des memes présentent des inconvénients identiques. Ils convenaient bien à la survie des groupes de chasseurs-cueilleurs ou d’agriculteurs néolithiques (domination d’un chef, attachement au territoire, volonté de fonder des familles nombreuses), mais se révèlent nuisibles face aux besoins de la société de l’information ou du développement durable. D’une façon générale, les memes qui véhiculent des appels au “sens commun”, à la “morale”, à la “vérité” en se référant implicitement à ce que ces termes sous-tendaient dans les sociétés primitives, créent des inadaptations qui menacent de faire disparaître les groupes ou sociétés qui s’y réfèrent aveuglément.

De tels mêmes, d’ailleurs, soumis à la pression de sélection, mutent en laissant place à de nouveaux variants dont certains se révèlent mieux adaptés pour augmenter la “fitness” des organismes ou groupes qui en deviennent les porteurs.

Le monde des memes influence celui des gènes et réciproquement. Les gènes, responsables des organisations cérébrales le sont indirectement des memes produits par ces organisations, aux capacités computationnel les et imaginatives très différentes. Dans l’autre sens, les memes produisent des milieux plus ou moins favorables à la dispersion ou à la mutation des gènes. Une communauté monacale, par exemple, est particulièrement réfractaire à la dispersion des gènes de ses membres. On pourra lire sur ce point Suzan Blackmore, The meme machine.

Ceci dit, il n’est pas possible de pousser trop loin l’analogie entre gènes et memes. Gènes et memes se ressemblent dans la mesure où ils sont des réplicateurs affrontant la sélection naturelle pour accéder à des ressources naturelles finies, ou à des véhicules (les cerveaux humains en ce qui concerne les memes) en nombre limité. Mais le moteur de la réplication des gènes est la division cellulaire. Celui de la réplication des memes est beaucoup plus diffus. Il se trouve essentiellement dans la prédisposition au mimétisme, très répandu chez les animaux comme chez les hommes: mimétismes dans les comportements, mimétismes dans les langages…

Par ailleurs leur typologie est radicalement différente. Même si les gènes sont nombreux, au sein de milliards d’espèces vivantes, leur nombre et surtout leurs caractéristiques ne sont en rien comparables au nombre quasiment infini potentiellement et aux formes adoptées par les memes – qu’il s’agisse de concepts, de langages, de théories, de croyances, etc. De même, il est facile de modéliser l’évolution des gènes, ou d’intervenir sur elle. C’est l’objet de la génétique et, plus récemment, du génie génétique. Il faudrait toutes les ressources de toutes les sciences humaines, de tous les arts, de toutes les techniques de la communication, de la gestion et de l’exercice du pouvoir pour modéliser les combinaisons, recombinaisons, fusions, conflits, disparitions des mêmes.

La conséquence de cette différence est d’ailleurs que si la génétique est devenue une science, nul n’a encore essayé de créer une mémétique. Certains s’y essaient (pensons à la médiologie ou autres quasi-escroqueries intellectuelles analogues) mais l’objectif est loin d’être seulement susceptible de représentation claire.

http://www.automatesintelligents.com/biblionet/2000/dec/r_dawkins.html