L’épilation totale, nouvelle norme chez les jeunes

Une étude à paraître dans le Journal of sexual medicine confirme le développement du rasage du pubis chez les femmes les plus jeunes.

Les poils pubiens sont-ils en voie de disparition? Car si les femmes s’épilent depuis toujours, Stéphane Rose notait dans son livre «Défense du poil, contre la dictature de l’épilation intime» (éditions La Musardine, 2010) un changement troublant: «Depuis le début des années 2000, l’épilation intime n’est plus une question de mode, encore moins de choix ou de libre arbitre: une majorité de femmes ne sont simplement plus maîtresses de leurs poils pubiens et les épilent docilement (…) suivies d’un nombre grandissant d’hommes également asservis à ce dictat de l’épilation.»

Le Pr Debby Herbenick et ses collègues de l’Université d’Indiana aux États-Unis ont examiné les réponses d’un journal intime informatique tenu par 2.453 femmes âgées de 18 à 68 ans. En 2010, les premiers résultats publiés dans le Journal of Sexual Medicine confirmaient bien l’extension de la pratique du rasage intime, en particulier chez les plus jeunes.

Bien plus de rasage que d’épilation

Première constatation, l’épilation complète ne concerne qu’un petit nombre de femmes allant de 6 % des 18-24 ans à 2 % des quarantenaires et aucune femme après 50 ans. Le rasage intégral est en revanche beaucoup plus répandu (99 % des actes dépilatoires recensés dans l’étude) avec des variations liées à l’âge: dans le groupe des 18-24 ans se trouvait la plus grande proportion des femmes ayant le pubis complètement nu (20%). Le nombre de pubis complètement rasés chutait ensuite à 9% chez les trentenaires, 6% chez les quarantenaires et 2% chez les plus de 50 ans.

L’enquête de l’Indiana mettait aussi en évidence des scores de satisfaction sexuelles plus élevés pour les adeptes du pubis complètement nu, sans qu’il soit possible de savoir si les femmes les plus à l’aise avec leur corps et leur parties intimes étaient aussi celles qui les dévoilaient le plus ou à l’inverse si le dénuement pubien favorisait l’épanouissement sexuel.

En 2006, le psychologue Jocelyn Patinel avait réalisé une enquête auprès de 173 étudiantes françaises âgées de 18 à 26 ans, sur l’épilation des aisselles et des jambes. Il soulignait alors le caractère normatif de l’épilation, dont la majorité des femmes n’était pas consciente: «la quasi-totalité des sujets justifient leur pratique de l’épilation à l’aide d’arguments internes (choix personnel, NDLR), seules un quart d’entre elles ont également recours à des justifications externes».

La pilosité jugée socialement négative

Une même tendance émergeait d’une enquête qualitative adressées à 678 Anglaises âgées de 16 à 70 ans par les Pr Merran Toerien et Sue Wilkinson à l’université Loughborough. Les auteures mettaient en évidence le fait que les poils étaient jugés socialement «négatifs» alors que l’épilation est positivée. «Par conséquence, notent les scientifiques, les options de s’épiler ou pas n’ont pas le même poids». Les chercheuses soulignaient d’ailleurs qu’une femme qui ne s’épile pas est susceptible de rencontrer des difficultés lors de ses relations. Car le jugement d’autrui est souvent sévère concernant les aisselles et les jambes.

Mais les enquêtes menées auprès des jeunes montrent que les partenaires sexuels sont parfois aussi exigeants. Beaucoup estiment qu’un pubis éclairci ou intégralement nu est «plus propre, plus hygiénique».

Reste ceux et celles pour qui le choix de conserver ou pas sa pilosité pubienne, que l’on soit homme ou femme, est d’ordre esthétique. Les adeptes disent souvent se sentir «plus sexy, plus attirants» sans poils. Il s’agit aussi parfois d’un choix assumé à la recherche de sensations différentes ou simplement d’une envie de variété.

À l’inverse, nombreux sont aussi ceux qui apprécient l’aspect, les sensations, et peut-être les phéromones, ces odeurs réputés excitantes, imperceptibles consciemment, qui sont emprisonnées dans les poils pubiens.

L’origine des poils ?

Certains pensent que la fonction essentielle et originelle de la grande pilosité crânienne de l’espèce humaine était, à la base, de protéger le cerveau du singe nu et vertical que nous sommes des effroyables coups de chaud que pouvait prodiguer le soleil. Une chevelure dense, longue et crépue (chez les premiers hommes) permettait au cerveau de se garder de l’échauffement, qui peut être mortel et les épaules, la nuque et le dos, des brûlures. Chez un animal totalement vertical, dont l’homme est le seul modèle connu, c’est le haut du corps qui souffre le plus des attaques du soleil. Depuis l’on a inventé le vêtement, dont les couvres chefs et autres turbans, etc, qui nous permettent de nous passer d’une crinière abondante, sous les climats chauds et en été. Et puis l’homme, surtout le citadin, vit, aujourd’hui, moins à l’extérieur.
En Europe ce sont les romains qui ont popularisés, les premiers, la coupe de cheveux réglementaire (à la fantassin) pour les hommes. Les cheveux longs constituaient un handicap majeur sur les champs de bataille ; en effet, ils offraient une prise en main, de la part des ennemis, dangereuse et gênaient le port du cassis (casque romain… d’inspiration gauloise).

L’homme épilé dans cette Rome où l’homosexualité n’est pas contraire aux mœurs passe pour l’efféminé et signale sa soumission sur le plan sexuel, nous apprend le premier tome d’Histoire de la virilité, un trio qui exige du muscle pour le soulever et passe en revue cette virilité malmenée de l’Antiquité à nos jours.

Les tentatives d’explication de la perte de fourrure chez le genre homo ne font pas l’unanimité dans la communauté scientifique. Voici cependant l’hypothèse qui est la plus envisagée aujourd’hui :
Lorsque les ancêtres de l’homme ont commencé à sortir de la forêt, à se redresser, à marcher de manière active sur leur deux pieds, à chasser, courir… bref, avoir une activité soutenue qui donne chaud, les poils ont pu commencer à devenir handicapants. Lorsque nos ancêtres ont quitté la forêt, ils se sont retrouvés exposés à la chaleur de la savane. Gare à la surchauffe ! Parallèlement à la perte des poils, un système efficace de régulation de la température du corps s’est développé : la transpiration. On retrouve en effet chez l’homme un très grand nombre de glandes eccrines (responsables de la transpiration), entre 2 et 5 millions !
La perte des poils pourrait donc être le résultat d’un changement d’environnement et d’attitude chez nos ancêtres, qui se sont progressivement adaptés au milieu aride de la savane africaine et aux longues marches.
On se doute bien que la réponse à ce genre de question n’est pas aisée : les seuls indices que nous ont laissés nos ancêtres sont de petits morceaux d’os… Pas de traces de poils, ni de momies suffisamment anciennes, conservées dans la glace par exemple !

Mais des outils nouveaux nous permettent aujourd’hui d’aller un peu plus loin. Il se trouve que l’on connait un gène (morceau d’ADN) qui participe à la pigmentation de la peau. Un variant de ce gène, M1CR, qui donnerait à la peau une couleur foncée, a parfois été retrouvé lors d’analyses génétiques sur des os anciens. On peut dater son apparition dans la lignée humaine à environ 1,2 millions d’années. Cela veut dire que c’est à peu près à cette époque que les hommes ont commencé à avoir la peau noire. Et avant ? On peut penser que nos ancêtres avaient la peau rose, recouverte d’une fourrure, comme c’est le cas chez les chimpanzés par exemple. Lorsque les poils ont commencé à disparaitre, il a fa

llu trouver un moyen de protéger la peau des rayonnements du soleil : la peau est devenue foncée !

Il y a 1,2 millions d’année, date supposée d’apparition de la coloration de la peau, on pouvait rencontrer dans les plaines africaines l’homo ergaster : bipède, apte à chasser le gros gibier, il est aussi le premier de la lignée à avoir quitté le continent africain !  Un sacré marcheur, qui a peut-être laissé une partie de ses poils sur sa route…

Pourquoi a-t-on gardé quelques poils ? Malgré notre longue histoire de poils, au cours de laquelle nous en avons évacués une bonne partie, il nous en reste tout de même : sur les bras, les jambes, ils se montrent relativement discrets. Mais pourquoi a-t-on des cheveux ?

Lorsque notre ancêtre s’est aventuré dans les plaines africaines, en plein soleil, il n’avait pas encore inventé la casquette. Pour éviter la surchauffe au niveau de la tête, il a pu être avantageux de garder des poils à cet endroit. Les cheveux crépus ont un double avantage : tout frisottés, ils forment un petit coussin qui emprisonne de l’air et isole la tête. C’est un scénario envisagé, peut-être d’autres viendront-ils dans les prochaines années…

Quand aux poils qui persistent aux aisselles et au niveau des organes génitaux, il a été proposé que c’était une protection (rappelez vous les avantages de la fourrure, au début de l’article) et/ou un moyen de diffuser des phéromones…
Se foutre à poil
Même si l’expression «Se foutre à poil» a perdu tout son sens, la virilité, elle, en a trouvé une autre: «Les arbres ont l’air plus grand lorsqu’on élimine la fougère à leurs pieds», clame une publicité de Gillette qui vous incite à jouer du rasoir sur les parties intimes. «Et si, malgré ce zizi qui a l’air un poil plus grand (pardon pour le jeu de mots), l’homme glabre assume mal cette soudaine redéfinition de sa virilité, l’institut d’épilation masculine Nickel à Paris le rassure en lui proposant des formules dépilatoires “jambes de cycliste”, “dos de nageur” ou “torse de boxeur”. L’honneur est sauf. Même privé des symboles antiques de sa puissance mâle, l’homme reste un homme», écrit le journaliste Stéphane Rose dans son essai poilant  (cité plus haut). Contre la dictature de l’épilation intime.

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